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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/202

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C’était une mule piurane, de haute taille et d’apparence robuste, âgée de dix à douze ans, et atteinte d’un commencement de morve, ainsi que l’assurait mon guide, expert comme tous ses pareils en matière d’hippiatrique. La pauvre bête, debout sur ses jambes roidies, allongeait tristement le cou vers le sol. Son œil était déjà trouble, et l’expression d’une stupeur profonde empreinte sur son masque bestial. Je posai ma main sur sa croupe et la sentis tressaillir convulsivement. Mettant aussitôt pied à terre, je m’empressai d’ouvrir une pastèque, et, après avoir humecté avec cette pulpe fondante les naseaux de la mule, j’essayai d’en glisser un morceau dans sa bouche ; mais ses mâchoires étaient déjà roidies et ses dents si serrées, que je dus renoncer à mon idée. Alors je demandai au mozo si les frictions à l’ail n’auraient pas un bon résultat, mais il secoua la tête en me disant qu’il n’y avait pas de remède capable de rappeler l’animal à la vie, et que ce que nous avions de mieux à faire, c’était de continuer notre route.

Au moment où nous tournions bride, la pauvre mule fit un effort désespéré, parvint à relever la tête, et nous regarda d’un air morne pendant quelques secondes ; puis les muscles de son cou fléchirent brusquement et ses naseaux retombèrent à fleur de sable ; c’était un dernier adieu qu’elle adressait à la vie et à ses compagnes, et, cet acte