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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/205

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un muletier ivre aura pris les sables mouvants pour la terre ferme ; là un mozo présomptueux, qui se vantait de connaître la route, se sera égaré parmi les rochers et les dunes, et, après avoir vu sa bête mourir d’épuisement, n’aura pas tardé à faire comme elle. Je ne vous parle pas de ces voyageurs sicateros, qui, pour s’économiser les frais d’un guide, ont entrepris seuls la traversée des pampas et sont restés en chemin. Ceux-là ont mérité leur sort, et je ne vois pas grand mal à ce que leurs os blanchissent au soleil. Mais vous, monsieur, reprit le mozo en changeant de ton et passant de l’hypotypose à l’apostrophe, vous n’êtes pas de ces gens qui s’inquiètent d’un réal de plus ou de moins ; vous avez pris un guide et des mules sans marchander, aussi ne vous arrivera-t-il rien de fâcheux en route…

— Mais je l’espère pardieu bien ! répliquai-je.

— Oh ! vous pouvez en être sûr, vous avez affaire, comme dit de moi M. Saunders, le consul anglais, à un arriero de la bonne école, à un homme qui a fait ses premières armes avec les troperos de Copiapo et de San-Juan d’Atacama, qui a voyagé pendant quinze ans à travers les trois cents lieues de sables qui séparent Coquimbo de la Nasca, et peut, sans vanité, se flatter de savoir son désert sur le bout du doigt. »

Comme je n’ajoutai rien à la réflexion du mozo, occupé que j’étais à calculer les heures de jour qui