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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/263

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montant la rue ; mais la foule qui l’obstruait était si compacte, qu’après un quart d’heure de lutte et l’effort combiné de nos poings, de nos genoux et de nos pieds, force nous fut de rebrousser chemin et de faire un assez long détour pour gagner la plage. Quand nous arrivâmes près du bâtiment, le curé venait de faire son aspersion d’eau bénite et de répandre sur lui le sel et le blé, en prononçant la formule sacrée, qui devait le protéger contre la tempête, le préserver de la corruption et assurer la prospérité de son commerce. Restait maintenant à débarrasser l’Indépendance de ses béquilles et à couper l’accore qui la retenait au rivage. La foule attendait avec anxiété ce grand événement ; mais vingt minutes s’écoulèrent, et la goëlette ne bougeant pas plus qu’une souche, les spectateurs commencèrent à murmurer. M. Saunders, à qui je demandai la cause de ce retard, m’apprit qu’il était dû à l’absence des deux praticiens chargés de l’opération délicate du lancement. Ces individus, sur le compte desquels je me renseignai, étaient deux matelots du steamer américain Philadelphia, qu’ils avaient déserté par amour pour le jus de cannes fermenté et les cholas du littoral. Après avoir erré longtemps de plage en plage, ils étaient arrivés à Islay, où le consul britannique, s’apitoyant sur leur misère, leur avait offert de les envoyer à Puno, avec les grades de capitaine et de second de l’Indépendance, à la charge par eux, d’effec-