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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/275

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Au sortir de Tayquani, le décor changea de nouveau. Le sol, bouleversé par les commotions volcaniques, n’eut plus ni mousses ni lichens ; il se couvrit d’énormes blocs erratiques, qui s’épanouissaient à sa surface comme des champignons énormes. Chemins et sentiers étaient remplacés par une effrayante série de talus escarpés et de failles béantes, au fond desquelles des amas de galets attestaient le passage d’anciens torrents. Des pans de basalte aux arêtes tranchantes, penchés sur le bord de ces abîmes et s’y maintenant contre toutes les lois de l’équilibre, semblaient toujours près de nous écraser au passage ; les montagnes, de plus en plus altières, dressaient jusque dans les nuages leurs sommets coniques ou déchiquetés en dents de scie. Des ruisseaux de neige fondue s’en échappaient en bouillonnant comme de l’urne d’une naïade ; tant que le soleil brillait d’un vif éclat, ces ruisseaux bondissaient d’escarpement en escarpement avec une ardeur furieuse ; mais à peine l’astre commençait-il à décliner, qu’ils ralentissaient petit à petit la rapidité de leur fuite, et, passant, aux approches du soir, de l’état liquide à l’état solide, ne représentaient plus, quand venait la nuit, qu’un amas confus de stalactites dont les cristaux s’effilaient par le bas.

Enfin la neige, de sporadique qu’elle avait été jusque-là, se cristallisa, devint éternelle, et, du faîte des montagnes qu’elle recouvrait seule, descendit