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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/274

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cognassiers, des merisiers s’étaient montrés un instant à Omacha ; puis, à partir de Livitaca, les arbres fruitiers avaient été remplacés par des légumes, que la rigueur du froid avait fait disparaître à leur tour. À Taracote, un chou planté dans une terrine me fut montré comme une rareté. La province de Canas, que je venais d’atteindre, formait l’avant-dernier degré de cette échelle thermale, graduée de 25° à 0. Son sol rigide produisait à peine l’âcre pomme de terre appelée papalisa ; une avoine chétive, qui donnait de l’herbe et jamais de grain, et que le bétail consommait sur place ; quelques myrtacées naines à feuillage acéreux, et d’humbles plantes, parmi lesquelles la sauge, la chicorée sauvage et la scorsonère, brillaient au premier rang.

Cette triste végétation s’appauvrit encore. Bientôt, des graminées et des mousses seules se montrèrent dans les bas-fonds et sur les versants des coteaux. Le paysage changea d’aspect, les ondulations du sol disparurent ; les plans des terrains devinrent de plus en plus heurtés ; de brusques affleurements de roches s’y produisirent sous toutes les formes ; les serros aux pentes douces, aux sommets arrondis, soudés les uns aux autres, de façon à n’offrir à l’œil qu’une masse homogène, se détachèrent de la chaîne mère comme autant de pitons ou de caps isolés, tantôt sombres, tantôt éclairés, selon que le soleil leur prêtait ou leur retirait sa lumière.