Aller au contenu

Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le val de Santa-Ana, et que sur les trois cent soixante-cinq jours de l’année, j’en passe régulièrement plus de trois cent soixante à surveiller mes fermiers, à gronder mes péons, à vendre mes récoltes et à me creuser l’esprit pour placer mon argent au meilleur taux possible. Or, ma femme trouvant que tous ces casse-tête étaient insuffisants, s’est avisée d’écrire à son cousin, le général et président Guttierez, afin d’en obtenir pour moi un brevet de colonel, qu’elle m’a présenté le jour de ma fête : un drôle de bouquet, qu’en dites-vous ? Naturellement, je me suis récrié. J’ai même refusé d’accepter le cadeau de Lorenza, en lui objectant que je n’avais aucune vocation pour l’état militaire ; qu’à mon âge, le calme et la tranquillité étaient préférables aux périls et au tumulte des combats. Alors elle s’est emportée, elle a tempêté comme une vraie limeña, elle m’a traité de poule mouillée ; en ajoutant que je verrais d’un œil indifférent le Bolivien aux portes de nos villes, que je n’aimais ni ma patrie, ni mes concitoyens… enfin, des choses mortifiantes qu’il est inutile de rappeler, et que les femmes trouvent toujours, lorsqu’elles veulent piquer notre amour-propre et nous amener à faire ce qu’elles ont résolu. Après avoir lutté pendant deux jours, j’allai, de guerre lasse, me commander un uniforme. Heureusement pour moi, les cadres de l’armée étaient au grand complet ; sans cette circonstance, j’étais en-