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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/31

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Après quelques petits verres d’eau-de-vie, si gracieusement offerts qu’il me fut impossible de les refuser, je demandai au curé si l’ancien cacique de Tungasuca, Tupac-Amaru, n’avait pas dans le village. des descendants de sa lignée qui pussent me donner quelques renseignements sur la vie de cet homme et sa fin malheureuse, les historiens que j’avais consultés étant muets à cet égard.

« Je ne connais, me répondit-il, que des Quispè, des Mamani et des Condori, trois familles d’Indiens qui ont la prétention de descendre du Soleil en ligne directe, ce qui ne les empêche pas d’être plus gueux que les ratons des champs. Quant à Tupac-Amaru, je ne sais trop que vous en dire, mais mon sacristain était de ses amis ; holà, Symphorose ! »

Un Indien quechua, qui vaquait dans la cour à quelque travail domestique, accourut en s’entendant appeler. L’homme, essuyant ses lèvres au revers de sa manche, fixa sur nous deux petits yeux obliques, pleins d’un étonnement craintif.

Ne trouvant point à ce contemporain de Tupac-Amaru la physionomie de son âge, je le regardai de l’air dont un numismate examine une médaille douteuse. Quelques fils d’argent brillaient, il est vrai, dans les tresses de sa chevelure, et son visage était un peu flétri ; mais le torse encore droit et les jambes musculeuses accusaient soixante ans au plus ; or, l’ami de Tupac-Amaru, d’après mon esti-