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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/310

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pas m’entendre. Ses épaulettes de la veille le rendaient féroce à l’endroit de la discipline. Apràs des tâtonnements infructueux, les Indiens, qui avaient de la neige jusqu’à mi-jambes, nous firent entendre par signes qu’ils ne savaient plus où ils étaient ; devant une telle déclaration, faite en pareil lieu et à pareille heure, force fut à don Estevan d’imposer silence à son indignation. Une délibération fut ouverte, et les mozos, qui formaient l’arrière-garde, furent invités à donner leur avis. Les uns assurèrent que nous avions marché trop au sud ; les autres, que nous avions incliné trop à l’est. Quant aux Indiens, ils assistaient à ces débats de l’air le plus indifférent du monde, occupés qu’ils étaient de la préparation d’une nouvelle chique de coca.

Cependant la neige tombait de plus en plus drue et serrée, le jour baissait rapidement, et nous délibérions sans rien conclure, lorsqu’un des muletiers, en consultant ses souvenirs, crut se rappeler qu’une estancia, du nom de Mamanihuayta, se trouvait au pied d’un serro trachytique, qu’il nous montra à deux milles environ dans le sud-ouest. Ce serro, assez semblable à un obélisque, était accoté de deux rochers de figure sphérique. L’homme l’appelait Ullutaruna, mot quechua que ma plume se refuse à traduire, et qui provoqua dans la troupe un rire homérique. Don Estevan, à cheval sur la discipline, paraissait résolu à garder son sérieux, mais un coup