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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/311

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de bride que je lui appliquai, rompit le charme et l’obligea de partager l’hilarité générale. Le muletier, élevé aux fonctions de guide, reçut l’ordre de prendre la tête du détachement et le chemin le plus court pour arriver à l’estancia. Les souvenirs de l’homme ne l’avaient pas trompé ; comme le jour allait finir, nous vîmes une colonne de fumée se détacher sur la blancheur mouvante de la neige, et nous la saluâmes comme des naufragés saluent, dit-on, l’étoile de la mer qui leur montre le port.

L’estancia de Mamanihuayta se composait d’une chaumière divisée en deux compartiments. Derrière le logis s étendait un vaste enclos où quelques douzaines de lamas, agenouillés côté à côte, bélaient en chœur un hymne à la nuit. En entrant sous cet humble toit, notre premier soin fut de nous débarrasser de nos ponchos couverts de neige. Trois personnes qui s’y trouvaient accroupies autour d’un feu de bosta, le mari, la femme et l’aïeule, déjà émus par l’arrivée de notre troupe, parurent tout à fait effrayés en voyant briller aux clartés du feu les épaulettes et les broderies d’or du colonel. Le mari ôta sa montera, la femme cacha son visage dans ses mains, et l’aïeule baisa son pouce en se signant. La vue d’un uniforme produit invariablement cet effet sur les aborigènes, depuis les chevaleresques faits d’armes de Pizarre et de ses compagnons. Pour entrer en conversation, don Estevan demanda à l’Indien