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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/335

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apparemment à le trouver dans ces parages ; puis l’étonnement fut remplacé par le désir d’en faire provision, et chacun d’eux s’étant mis à l’œuvre avec une ardeur que décuplait la gourmandise, des bouées de gramen furent fabriquées en un instant, et bientôt une flottille de pêcheurs se dirigea vers le milieu du lac, les uns aidant leur marche au moyen de bâtons, d’autres se contentant de battre l’eau avec leurs pieds, à la façon des palmipèdes. Cette pêche, qui dura trois heures, amena la capture d’une centaine de poissons, et faillit se terminer d’une façon tragique. Un des pêcheurs, alléché par un chuñi de belle taille qui venait de mordre à sa ligne, se pencha brusquement, et, sa nacelle roulant sur elle-même comme un tonneau, l’homme glissa dans le lac, où, grâce à ses tresses flottantes, il fut happé au passage par ses camarades, qui le ramenèrent sur la rive, blême de peur et grelottant de froid. Cet incident marqua la fin de la journée.

Le soir, à souper, un plat de ces poissons, grillés à pouvoir les moudre, nous fut servi avec une sauce au piment. Don Estevan, qui professait à leur égard la même admiration que les pêcheurs aborigènes, déclara que, parmi les quatre variétés qui figuraient à notre table, le chuñi était sans contredit le plus parfait, Je goûtai à ce silure par curiosité, et ne lui trouvant aucune des qualités que lui reconnaissait mon compagnon, je laissai celui-ci en manger à son