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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/354

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éperons dans ses flancs. L’animal hennit de douleur et fila comme un boulet à travers la plaine. Pendant cette course folle, j’essayai de découvrir au loin un rancho, un abri, une fumée, un indice quelconque de la présence de l’homme ; mais je n’aperçus à l’horizon de la pampa qu’un cercle de brumes violettes, au delà duquel se dressaient, pareils à de blancs fantômes, les pitons de la Cordillère. Le Salcantay restait encore éclairé dans ses parties les plus élevées ; mais dix minutes s’écoulèrent et la cime neigeuse du pic étincela seule comme le sommet d’un volcan. Enfin, cette dernière flamme, image de la vie, s’éteignit à son tour, et le paysage, déjà envahi par l’ombre, disparut bientôt dans la nuit. Chercher à m’orienter dans les ténèbres, quand je n’avais pu le faire en plein jour, eût été de ma part une entreprise téméraire. Je cessai donc d’éperonner mon cheval, et lui jetant la bride sur le cou, je le laissai maître de marcher à son gré ; l’animal, livré à son instinct, s’empressa de changer de route, quitta le nord pour prendre l’est, et cela d’un pas délibéré qui me parut de bon augure. Un quart d’heure après, il s’arrêtait court ; je prêtai l’oreille ; le murmure d’un torrent se faisait entendre à quelque distance. Était-ce à la fraîcheur de l’eau ou au bruit de sa chute, que le cheval avait reconnu de loin cette source ? Tandis que je me posais cette question, il reprenait sa marche avec une nouvelle ardeur. Au