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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/355

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bout de quelques minutes, son pas était devenu si rapide et le bruit de la chute si rapproché, qu’au moment de l’atteindre, je tirai vivement la bride, craignant que l’overo ne se précipitât avec moi dans cette onde inconnue, qui semblait exercer sur lui un charme fascinateur. Le torrent coulait entre deux berges escarpées. On n’apercevait qu’une nappe blanche qui passait avec une vitesse singulière, se heurtant à de grosses roches dont le lit paraissait encombré. D’où venait cette chute et où se rendait-elle ? C’est ce qu’il m’était assez difficile de préciser dans l’obscurité. J’avais d’ailleurs autre chose à faire que de calculer son cours. Une masse opaque que j’entrevoyais à quelques pas, m’annonçait la demeure de l’homme, et malgré la répugnance du cheval à se diriger de ce côté, je le forçai de m’obéir. Autant que la nuit permettait d’en juger, je reconnus une de ces chocaras ou héritages, habitées quelquefois par leurs propriétaires, quelquefois aussi visitées seulement par ceux-ci à l’époque des récoltes. La nature du site, l’abaissement de la température et l’absence totale d’arbres et d’arbustes, indiquaient suffisamment quelle pouvait être la végétation en cet endroit. La chacara ne pouvait fournir que de la luzerne ou l’âcre pomme de terre connue sous le nom de papa lisa. Quant au logis, il se composait de deux ranchos ou chaumières, reliées par un parc à bêtes, vide pour le moment, et d’un comedor écroulé dont une