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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/46

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combré de roches énormes. Le paysage, sans être très-récréatif, offrait néanmoins quelques teintes vertes qui tranchaient agréablement sur le ton rougeâtre des montagnes.

Nous fîmes halte à Yanaoca, un village de trente feux, où le muletier avait une comadre dont la santé, me dit-il, l’inquiétait beaucoup. C’était une façon polie de m’avertir que j’aurais à l’attendre. Pendant qu’il mettait pied à terre pour se renseigner sur le compte de la femme et s’abreuver de chicha en même temps, j’achetai d’horribles galettes, un coq étique et quelques quartiers de mouton fumé, que je remis à l’un des mozos appelé Trésor, en l’instituant conservateur de mon garde-manger. Le muletier reparut au bout d’une demi-heure, très-rouge et très-agité, circonstance qui, jointe au silence dans lequel il se renfermait, me fit conjecturer qu’il avait recueilli de tristes nouvelles.

Quand l’heure de camper fut venue, nous nous arrêtâmes à l’entrée d’une gorge étroite, tapissée d’herbe rase et rafraîchie par un ruisseau d’eau courante. Les mules, débarrassées de leurs fardeaux, se vautrèrent d’abord les quatre fers en l’air pour se délasser, puis se mirent à paître pendant que, de leur côté, les mozos allumaient du feu et plaçaient de champ la marmite. Après le souper, le muletier rapprocha ses ballots de façon à figurer les trois murs d’une hutte, couvrit le tout de grandes