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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/86

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mentation de plus en plus sensible de mon enflure, des pas précipités retentirent dans la rue, et un homme enveloppé de son poncho parut tout à coup à ma fenêtre.

« Par la Vierge immaculée ! me dit-il à voix basse, éteignez donc cette lumière !

— Vilain oiseau de nuit ! répliquai-je à cet individu, vous êtes cause que j’ai failli me briser le crâne contre les barreaux ! »

Je venais de reconnaître dans mon conseiller nocturne un sereno du quartier que, chaque nuit, je trouvais invariablement posté près de ma fenêtre, où, sous prétexte de me donner l’heure et le bulletin exact de l’atmosphère, il ne manquait jamais de me réciter une lamentable élégie sur sa situation présente et ses appréhensions futures. Cette élégie, que l’homme terminait habituellement par la demande d’un réal pour s’acheter de l’eau-de-vie, était coupée en strophes régulières par la consommation des cigarettes, que de quart d’heure en quart d’heure il sollicitait de ma munificence et que je lui passais tout allumées à travers les barreaux.

Comme le sereno n’avait pas cru devoir répondre à ma phrase de bienvenue, et que sa préoccupation d’esprit, à en juger par le silence qu’il gardait et l’attention profonde qu’il prêtait aux bruits de la rue, semblait l’emporter ce soir-là sur ses habitudes solliciteuses, je me décidai à prendre l’initiative, et,