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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/91

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« C’est à n’y rien comprendre, me disais-je in petto, quand j’eus refermé ma fenêtre et rallumé ma bougie : quoi ! cette douce et charmante doña Cipriana, qui, il y a trois mois à peine, avouait ingénument qu’elle avait failli mourir de peur en allant de nuit frapper aux portes du couvent de la Merced, pour y chercher le prêtre qu’un de ses parents demandait à son lit de mort, cette femme au cœur timide, est-elle bien la Bradamante que je viens d’entrevoir, affrontant les ténèbres, haranguant la multitude et promenant l’émeute aux quatre coins de la cité ? Allons, allons, M. de la Condamine a eu tort d’écrire que les Amazones du rio Nhamondas étaient rentrées dans la Guyane par la rivière das Trombetas ; ces dames, au contraire, ont dû remonter le grand fleuve qui porte encore leur nom et se répandre dans l’intérieur du bas Pérou, où leur descendance est représentée de nos jours par Mme Gamara, l’ex-présidente, et Mme Vivanco, la présidente actuelle. Demain j’aurai l’honneur d’aller féliciter notre héroïne sur ce beau coup de tête, qui, s’il devient un coup d’État, changera probablement les destins de la république. »

Le lendemain, en effet, je me présentai dans la maison Q…, où doña Cipriana avait momentanément élu domicile. La noble dame était en train de dépêcher un messager au général Vivanco, alors à Cuzco, pour signifier à celui-ci qu’au lieu de conti-