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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/90

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cri plus éloigné. Mon sereno profita de l’incident pour s’éclipser dans l’ombre, et je restai seul, le visage collé aux barreaux, regardant cette foule étrange, qui ne tarda pas à disparaître dans la rue del Comercio, tandis que les cris de Afuera Vidal, al muladar el Sambo (à bas Vidal, au fumier le Sambo !) poussés par une centaine de voix, allaient réveiller en sursaut tous les habitants du quartier.

Cette première troupe n’était que l’avant-garde de l’insurrection, l’escouade des aboyeurs chargés de proclamer la déchéance du général Vidal ; le corps d’armée parut bientôt ; il se composait d’un groupe d’officiers au milieu desquels paradait, sur un cheval fougueux, une femme coiffée d’un chapeau de paille de Panama, drapée dans un poncho d’étoffe blanche, et qui saluait gracieusement de la main les bourgeois à demi vêtus, que la peur ou la curiosité venait d’attirer aux fenêtres. Les cris de Viva doña Cipriana ! Viva Vivanco ! retentissaient sur les pas de ce cortége, éclairé par la flamme des torches, et auquel une nuée de rabonas, hideuses vivandières, armées de fourches et d’épieux, servait d’arrière-garde. Bientôt toute la ville fut en rumeur. Les tambours battirent la générale, les cloches de la cathédrale, des églises et des couvents, sonnèrent à la fois, des feux furent allumés dans les rues, des torches flambèrent à tous les balcons et des milliers de fusées montèrent dans les airs en signe de réjouissance.