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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/93

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se répandant dans les rues, commencèrent à exécuter le long des trottoirs les plus étranges farandoles, aux cris répétés de Viva el Peru ! Viva nuestro Vivanco !

Un buste du général, trouvé je ne sais où, fut placé sur une civière, entouré de chandelles, et quelques militaires revêtus de semblants d’uniformes, les pieds nus, coiffés de bonnets de police en calicot blanc, le promenèrent par la ville, aux applaudissements d’une foule émerveillée.

Ce buste, ou plutôt cette tête du nouveau président, dont la beauté remarquable produisait, dit-on, sur les femmes de Lima, l’effet d’une véritable jettatura, était l’œuvre d’un sculpteur du pays, habile à façonner le bois. En véritable artiste, épris de la couleur autant que de la forme, ce sculpteur, une fois le portrait achevé, l’avait doté d’un coloris charmant, avait épanoui sur chaque pommette une rose à cent feuilles, et, non content de reproduire, à l’aide d’ocre rouge et de noir d’ivoire, la nuance auburn des cheveux de son modèle, avait poussé l’imitation de la nature jusqu’à enchâsser dans les cavités sourcilières, deux yeux d’émail, auxquels la flamme des chandelles prêtait un éclat radieux. En narrateur fidèle, j’ajouterai que cette tête, au lieu d’être supportée par un socle, comme la plupart des œuvres de ce genre, était nettement terminée par une ligne droite qui, passant entre la cinquième et la sixième