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Page:Marcoy - Scènes et paysages dans les Andes, 1.djvu/94

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vertèbre cervicale, donnait au chef du général Ignacio Vivanco l’aspect d’une tête coupée.

Dans la foule à laquelle je m’étais mêlé, pour ne perdre aucun détail de ce spectacle, j’entendis une chola, pauvre femme du peuple, debout à mes côtés, s’écrier en joignant les mains, quand passa devant nous la civière triomphale : Dios mio que candida es la gente de mi tierra[1] !

Le bruit des vivat étouffa fort heureusement ces paroles, qui, dans l’enthousiasme bachique dont la foule était animée, pouvaient procurer les honneurs du martyre à l’imprudente qui les avait proférées.

Après deux heures de promenade dans les rues et de libations au seuil des cabarets, le cortége regagna la plaza Mayor, et le chef polychrome du président fut solennellement déposé sur le velours de l’estrade, où, pendant le reste de la nuit, les trombones burent à sa santé et lui jouèrent à l’envi leurs plus brillantes symphonies.

Le surlendemain de cette mémorable soirée, après avoir pris congé de mes amis et connaissances, je quittais Aréquipa pour n’y plus revenir. Suffisamment édifié sur les antécédents historiques de la cité hispano-américaine, bâtie, en 1536, par le capitaine Pedro Anzurez de Campo Redondo, j’avais

  1. Mon Dieu, que les gens de mon pays sont bêtes !