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MYSTIQUE

ce voyage inconfortable. La vie normale avec toutes ses facilités est lassante. Je hais la monotonie ; ici, je l’évite parfaitement. Ahmed prend d’autorité la fonction souveraine de cuisinier et maître d’hôtel. Il la remplira à merveille et il commence à m’offrir du thé dans un récipient chinois qui tient un litre… Est-ce la couleur locale, ou mon désir d’être heureuse partout ? Je trouve ce thé exquisement chinois, Ahmed me traite comme sa sœur, et me nomme « Zeînab » avec une simplicité délicieuse.

Mais, soudain, une ombre transparente s’arrête à l’entrée de la tente, salue d’un geste lent, noble, émouvant, puis s’assied devant moi. C’est l’Hindou, plus mince que jamais. Cette fois, un simple voile blanc ceinture son corps. Il m’inspire un sentiment intraduisible, étonnement, curiosité mêlée d’admiration, une sorte de fascination se dégage de lui. Tout de suite il parle de Dieu. Sa parole est calme, douce, prenante. Sa conviction est si absolue, si pénétrante que je suis émue profondément. Une contraction étreint ma gorge, il parle toujours. On croirait qu’il décrit un merveilleux paysage.

On se sent physiquement apaisé par la tendresse quiète et définitive qui s’exhale de ses paroles. Ce n’est pas sa logique qui me possède lorsqu’il me parle de la religion du Prophète, mais ses pensées sont si sincères, si absolues, qu’elles se transmettent télépathiquement Jamais je n’ai été semblablement remuée.

Soleiman, qui dort à moitié, selon son habitude, nous trouve très bavards. Nous parlons de l’éternité…

La langue que nous utilisons est l’anglais. Je ne le parle pas assez pour comprendre tout sans une exténuante application. Mais cet effort, qui m’hyp-