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Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/117

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LE HAREM

t-elle, encore plus fâchée que toi. Voilà dix ans que je n’ai pas manqué une seule visite aux lieux saints.

« Or, cette année, le devoir était de rester, mon gendre ayant gardé sa femme à Djeddah avec lui. »

Elle m’explique avec des mines d’importance qu’elle est la belle-mère du sous-gouverneur, Ali Allmari. Mais, comme il a déjà perdu quatre femmes, elle n’ose plus quitter sa fille. Elle n’en veut pas moins me faire sentir et partager son mépris pour Djeddah, ville misérable, sans confort, sans cinéma, sans photographe.

Car à Bassorah, son pays d’origine, elle a connu tous ces raffinements de haute civilisation. Ici, sur ordre du roi, aucune distraction moderne n’est autorisée au Hedjaz ou au Nedj. Et, par respect pour le Coran, dont une phrase condamne les reproductions matérielles de la nature, la photographie même est interdite.

Tous les hommes qui commandent ici sont Wahabites, comme le roi, qui à la tête du mouvement a chassé la famille du chérif Hussein. Le Wahabisme date de la seconde moitié du xviiie siècle. C’est une doctrine dont le but est de rendre à l’Islam sa pureté primitive. Il écarte notamment le culte des marabouts, si cher à notre Afrique du Nord, et tout ce qui paraît réveiller le vieux culte d’Ève, dont le prétendu tombeau était naguère à Djeddah. Ce tombeau de la mère des hommes a donc été détruit par ordre d’Ibn Séoud.

Et, même devant le tombeau du Prophète, le visiteur doit s’abstenir de toutes les démonstrations qui ressembleraient à la dévotion d’un culte seulement réservé à Allah.

Au demeurant, Ibn Séoud obéit plutôt qu’il ne commande à ce puritanisme âpre et dur. Il le fait