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LE MARI PASSEPORT

faire enlever ma vêture de pèlerinage, le sac blanc qui me recouvre en totalité.

J’hésite sur la conduite à tenir, puis, après avoir refusé, je ne sais pourquoi, je consens. Me voilà donc en petite tenue. J’attends anxieuse et énervée, ce qui va m’advenir d’inattendu et que je redoute un peu.

Il est à peine dix heures du matin. Des esclaves femmes entrent. Elles rient, me montrent du doigt et viennent me toucher comme un animal inconnu. Elles veulent aussi vérifier si je suis une femme comme les autres… Elles jacassent ensemble, bruyamment et vertigineusement Leur arabe est si différent de celui de Syrie que je n’y comprends autant dire rien. Le temps passe très lentement. C’est déjà la vie de harem, et j’attends. Quoi ? Dieu seul le sait. J’ai mal à la tête et je meurs de faim. Enfin, vers trois heures du soir on m’apporte, dans une assiette, un liquide gras et aigre, où nagent des herbes vertes. C’est immonde et je n’en peux rien avaler malgré mon désir. Heureusement que le thé est bon, mieux même, exquis. Et j’en bois autant qu’on m’en offre. Souvent… L’énorme femme sort et revient sans cesse. Il est visible qu’elle désire m’être agréable et fait de son mieux. Constamment elle répète en criant, ainsi qu’un refrain, la formule si connue :

Enta mabsout ? ana mabsout.

(Es-tu contente ? si oui, je suis contente.)

Je ne réponds d’abord rien. Il est trop certain pourtant que cela m’agace, puis, exaspérée je crie :

— Mais non, je ne suis pas contente. J’ai mal à la tête, on m’a séparée de mon mari et je ne puis aller au pèlerinage.

Malesh, répond-elle à son tour. Ce qui signifie à la fois, qu’y faire ? et tant pis ! Je suis, ajoute-