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Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/156

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LE MARI PASSEPORT

Nous partons à l’aventure, nous fiant à notre sens de l’orientation. Nous marchons des heures sous un soleil torride, la gorge si sèche que je ne peux même plus faire sans douleur le mouvement d’avaler. Nous nous protégeons de l’insolation en instituant, toutes les cinq minutes, un système de changement de quart, pour le port du casque colonial de M… fils.

À l’horizon toujours rien. Soudain, une immense palmeraie dans des tons de décor bleu apparaît en bordure d’un lac miroitant. Nous ne sentons plus la soif tellement nous sommes préoccupés d’arriver à cette eau le plus rapidement possible. Mirage… il ne reste bientôt rien que le sable aride et le ciel. Des oasis entières, des rivières, des lacs, naissent et meurent ainsi sous nos yeux.

Nous marchons au sein de cette désolation, dans ce que nous croyons être la direction de la mer, soutenus par ce désir hallucinant de boire, de voir ou d’entendre de l’eau.

Enfin apparaît une raie bleue dans le lointain, nous sommes pris d’une horrible angoisse à l’idée d’une nouvelle illusion. Dix minutes, la raie apparaît toujours bleue, vingt minutes, la raie est devenue lac, et nous voyons la plage. Une plage sur laquelle nous pouvons marcher, sans qu’elle se dérobe sous nos pas en une fantastique mystification.

Nous y trouvons une minuscule tente triangulaire, avec un pêcheur bédouin et son fils. Nous nous précipitons vers eux pour leur demander de l’eau. Ils nous sortent d’un vieux tanaké un liquide jaunâtre, plein de sable et de pétrole, qu’ils nous offrent dans une boîte à sardines, toute rouillée. J’humecte ma langue, ma gorge, c’est tout ce que je désirais. J’en sens à peine le goût infect, tellement la jouissance de ce liquide dans le gosier desséché est grande. Je