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LE MARI PASSEPORT

montre, laissé au consulat. Je lui demande de m’obtenir de l’encre et du papier à lettre, car, dans cette existence cahotée et semée de difficultés, je n’ai pu écrire à ma famille, et il faut que je le fasse enfin.

Il m’apporte, lui-même, peu après, de quoi écrire.

Mais chaque mot que je dis, chaque désir que je formule, chaque geste secoue maintenant tout le harem. On me tolère certes bien des choses ; toutefois, la dernière visite du soir fait déborder la coupe…

C’est encore M… fils. Il ignore presque toutes les coutumes musulmanes. Il ne croit donc pas mal agir en disant simplement bonjour, à l’occidentale, au sous-gouverneur, sans lui demander, comme le veulent les rites de la courtoisie arabe, et de me voir et pour quelle raison il formule ce désir.

Sitôt qu’il est parti, Ali Allmari, dans une crise de fureur, arrive et hurle que je souille sa demeure en recevant sans cesse des « nosranis ».

Je vois que rien ne pourra le calmer, et, pendant qu’il jette ses imprécations comme un prophète inspiré, je le coupe :

— Ne fais pas tant de bruit, je quitterai ta maison demain.

Sett Kébir est dans la consternation. Mais je lui fais comprendre qu’Ali Allmari m’a gravement outragée. La soirée se passe lugubrement. Les femmes, accroupies autour de la pauvre lampe, semblent des figures de cire, ou ces reconstitutions de la vie arabe qui furent une des gloires de l’Exposition coloniale.

Je termine de broder les initiales d’une combinaison promise à Fakria et un mouchoir ourlé à jour, avec de petits papillons en couleur pour Moussny,