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ESPÉRANCES

car mes travaux de couture avaient conquis le harem. Je semble triste, mais je suis ravie de l’incident qui me permet d’échapper à cette damnée réclusion. Je regrette d’ailleurs de quitter quelques femmes qui se sont montrées gentilles pour moi. J’ai une réelle affection pour Sett Kébir.

Je m’étends pour la dernière fois sur le sol de cette maison, en somme très hospitalière, et rêve de mon voyage prochain.

Le roi, paraît-il, a permis qu’une fois dans l’intérieur des terres, durant mon voyage, j’agisse avec plus de liberté, et même selon mes coutumes d’Europe. Mais est-ce vrai ? C’est trop beau…

Dès l’aube, je me prépare donc à un départ définitif. Sett Kébir me voit inébranlable. Elle pleure et m’indique, dans les souks, une chambre qui doit me convenir. Vers neuf heures, c’est le dernier petit déjeuner. On croirait sortir d’un enterrement. On ne parle plus que d’amitiés éternelles et, jusqu’à celles qui m’aiment le moins, toutes m’encombrent d’attentions. Sett Kébir rêve de me revoir à Bassorah ; Fakria seule reste muette. Cela m’indique qu’Ali Allmari lui a dit de ne plus tenter de me retenir.

Je mange le fameux miel noir de Médine qui fut ici ma principale et meilleure nourriture. Je n’ai pas assez de serments d’affection pour tout le monde.

Soudain, j’entends Soleiman m’appeler dans l’escalier. Il apparaît, l’air mécontent, et hurle :

— Fais tes paquets, nous partons.

— Cela se trouve bien. J’avais décidé de partir ce matin.

Il demande, exaspéré :

— Et où veux-tu aller ?