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LE MARI PASSEPORT

lit comme s’il voulait me dévorer. Je frissonne. Pour qu’il perde ainsi tout contrôle de lui-même, il faut que l’heure soit grave. C’est sûrement le moment fatal. Pas du tout. Il veut « l’abaye » de Soleiman.

Je ne comprends pas. Je n’ai jamais eu ici un seul des vêtements de mon mari-passeport. J’explique que les effets de Soleiman doivent être dans sa valise et je m’endors enfin.

Une idée fixe me torture maintenant, sortir de mon cachot. Certes, je sais les allégements qui sont venus atténuer la rigueur du début. Si d’ailleurs elle avait continué, j’étais condamnée, car j’ai senti plusieurs fois l’aile de la folie me frôler. Mais, à cette heure, cette vie m’apparaît comme une déchéance, et l’horreur que j’en ai, comme une Idée fixe, m’emplit l’âme jour et nuit.

Je lutte en faisant des ourlets à jour à des mouchoirs. Mais c’est un remède qui atténue le mal sans le faire oublier. J’ai ourlé ainsi 63 mouchoirs d’une finesse extrême dans ma prison.

Chaque visite aux W.-C. réveille mes espoirs, mon besoin d’évasion. Toutefois, où aller ? Aucun consulat ne me gardera, partout on me retrouvera. Une heure après ma fuite, je serai signalée, où que je sois, et reprise, puis…

Un terrible découragement s’empare de mol, aucun raisonnement ne m’aide, toute réaction bienfaisante se trouve condamnée par avance

Visite de M. M… qui me fait comprendre que je vais être bientôt interrogée. J’attends cet instant avec une impatience fébrile. Je passe ma journée à lire la vie frivole d’une actrice de la Comédie-Française pendant la guerre. L’atmosphère du livre est si différente de ce que je connais aujourd’hui que j’ai un peu l’impression de pénétrer dans un conte