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Page:Marga Andurain - Le Mari passeport, 1947.djvu/253

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CE N’EST PAS LA FIN

-nous qu’apparaît le fameux Grand Tortionnaire de la Mecque : Maadi bey.

C’est un homme mûr d’apparence, quoiqu’il n’ait que quarante ans, il me le dira plus tard. Il apparaît raide, mince, sec, avec des regards aigus et un prestige indiscutable. Il a, en me voyant, un recul.

Je sens une hésitation en cet homme terrible, et je l’interpelle brutalement :

— As-tu honte de t’asseoir à côté d’une femme qui sort de prison ?

Il se décide à articuler avec lenteur :

— Non, certes ! » et, retrouvant sa fermeté, il prend une chaise et s’assoit à côté de moi, en me confiant :

« J’ai d’autant moins honte de m’asseoir à côté de toi, Zeïnab, que le gouvernement ne t’a jamais crue coupable. »

J’ai, par la suite, de longs entretiens avec lui. Nous discutons mon affaire, et cet homme, dont le métier est hideux, a des goûts étranges d’équité. Quand on songe pourtant que son seul souci est de faire souffrir et de ne mener à la mort ceux qu’il fait supplicier qu’après le plus de souffrances possible, on se sent froid à l’âme.

Ce que je sais de ses exploits est atroce. Il me les conte lui-même. Voici peu, il tortura trois hommes, qui furent exécutés trois jours avant ma libération, et voici comment on pratiqua :

Le premier fut fouetté jusqu’à ce que toute la peau fût arrachée. On l’arrosa ensuite d’eau fraîche pour aviver la brûlure, puis on le plongea jusqu’au menton dans une fosse remplie d’ordures humaines…

Le second, enfermé dans un cachot noir, entendait dans la pièce voisine rougir les barres de fer et bouillir l’eau d’une chaudière. Subitement, dans les