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LE MARI PASSEPORT

Et puis, au matin du départ, on apprend à nouveau que le Grand Tortionnaire, que nous pensions déjà loin, sera quand même là, à mon côté… Il est trop tard pour retarder encore.

Tant pis ! Advienne que pourra.

Le consul me fait des adieux simples et laconiques. Il sait à quel point je lui garderai, toute ma vie, admiration, reconnaissance et affection.

Nous quittons le consulat en auto, mais, près de l’embarcadère, une foule agitée et haineuse est retenue par des policiers en armes, et on me regarde avec férocité. Je passe entre cette double haie, sous mon voile. Il faut d’ailleurs hisser le pavillon français sur la vedette, pour empêcher des fanatiques qui sont entrés dans l’eau de faire chavirer l’embarcation.

Le navire qui m’emporte est anglais : le Taïf. Tout le personnel du consulat, qui m’accompagne, explique au commandant le délicat de ma situation. Il y a des Nedjiens à bord, et l’on me dit de rester enfermée dans ma cabine. Il faut éviter les incidents qui pourraient entraîner mon débarquement dans les deux ports du Hedjaz où nous faisons escale : Ouedj et Yambo.

Là, personne n’aurait plus puissance pour me servir. Mais on exagère, je crois. Le bateau part. Du hublot, je regarde Djeddah qui s’éloigne, je monte sur le pont.

Je trouve le délégué d’Irak, homme charmant, qui me prend sous sa protection. Il me conseille de garder ma cabine aux escales ; s’il y a du danger, il m’avertira.

Nous décidons de prendre nos repas ensemble, en conversant de mille choses qui nous sont familières, et entrons dans la salle à manger. À peine y sommes-