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LE MARI PASSEPORT

Mes premiers mots d’épouse légitime sont pour exprimer mon mécontentement sur la publicité de mauvais goût qu’il a donnée à notre mariage. En effet, j’ai appris le matin même qu’avait paru dans la Palestine, le quotidien du pays au plus fort tirage, un petit entrefilet annonçant mon mariage avec un certain Soleiman, auquel j’offrais un demi-million.

— Nous devons nous cacher, pourquoi étaler ce mariage qui doit rester secret ? Par Allah, tu es bête, oui, bête et têtu.

Il s’excuse, m’expliquant que ce mariage lui a fait perdre la tête, il n’avait pas bien compris. Et, tout le temps du voyage, il répète comme un refrain, en français :

— Moi beaucoup chance…

Nous arrivons à Jérusalem, nous nous précipitons, à travers les rues grouillantes, à la compagnie de navigation. De passeport, il n’y en a pas, bien entendu, les employés prétendent l’avoir envoyé à Suez où il y a soi-disant un agent consulaire nedjien au moment du pèlerinage. Ils nous demandent d’attendre trois jours. Nous avons déjà manqué le bateau du 18 mars, le dernier en partance de Beyrouth, nous manquons également celui du 24 mars, partant de Suez, qui établissait la dernière liaison avec le pèlerinage. La compagnie nous affirme toutefois qu’un cargo italien quittera Suez le 29… « Inch allah »[1].

Mon désir dominant reste Oneiza, puis la traversée de l’Arabie à pied et en caravane, et à cela je ne veux pas renoncer.

La Mecque n’est pas mon but essentiel, mais je trouverais stupide d’y arriver huit jours après les rites religieux du pèlerinage. Je vis donc dans une

  1. Si Dieu le veut.