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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/114

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MÉMOIRES

la conservation de la religion catholique. Le Roy ayant pris asseurance de l’assistance de mon frere en cette occasion, qui estoit la principale fin où tendoit l’artifice de cette ligue, soudain faict appeller tous les princes et seigneurs de sa cour, se faict apporter le roolle de ladite ligue, s’y signe le premier comme chef, et y fait signer mon frère et tous les autres qui n’y avoient encor signé.

Le lendemain ils ouvrent les Estats, et ayant pris les advis de messieurs les evesques de Lyon, d’Ambrun et de Vienne, et des autres prelats qui estoient à la cour, qui luy persuaderent qu’apres le serment qu’il avoit faict à son sacre, nul serment qu’il peust faire aux heretiques ne pouvoit estre vallable, ledict serment de son sacre l’affranchissant de toutes les promesses qu’il avoit peu faire aux huguenots. Ce qu’ayant prononcé à l’ouverture des Estats, et ayant déclaré la guerre aux huguenots, il renvoya Genissac le huguenot, qui depuis peu de jours estoit là de la part du Roy mon mary pour advancer mon partement, avec paroles rudes, pleines de menaces, luy disant qu’il avoit donné sa sœur à un catholique, non à un huguenot, que si le Roy mon mary avoit envie de m’avoir, qu’il se fist catholique.

Toutes sortes de préparatifs à la guerre se font, et ne se parle à la cour que de guerre ; et pour rendre mon frere plus irréconciliable avec les huguenots, le Roy le faict chef d’une de ses armées. Genissac m’estant venu dire le rude congé que le Roy luy avoit donné, je m’en vais droict au cabinet de la Royne ma