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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/115

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

mere où le Roy estoit, pour me plaindre de ce qu’il m’avoit jusques alors abusée, m’ayant tousjours empeschée d’aller trouver le Roy mon mary, et ayant feinct de partir de Paris pour me conduire à Poictiers pour faire un effect si contraire. Je luy representay que je ne m’estois pas mariée pour plaisir ny de ma volonté ; que ç’avoit esté de la volonté et auctorité du roy Charles mon frere, de la Royne ma mère, et de luy ; que puis qu’ils me l’avoient donné, qu’ils ne me pouvoient point empescher de courre sa fortune ; que j’y voulois aller ; que s’ils ne me le permettoient, je me desroberois, et y irois de quelque façon que ce fust au hazard de ma vie. Le Roy me respondit : « Il n’est plus temps, ma sœur, de m’importuner de ce congé. J’advoue ce que vous dites, que j’ay retardé exprès pour vous le refuser du tout ; car depuis que le roy de Navarre s’est refaict huguenot, je n’ay jamais trouvé bon que vous y allassiez. Ce que nous en faisons la Royne ma mere et moy c’est pour vostre bien. Je veux faire la guerre au huguenots, et exterminer cette miserable religion qui nous a faict tant de mal ; et que vous, qui estes catholique, et qui estes ma sœur, fussiez entre leurs mains comme ostage de moy, il n’y a point d’apparence. Et qui sçait si, pour me faire une indignité irreparable, ils voudroient se venger sur vostre vie du mal que je leur feray ? Non, non, vous n’y irez point ; et si vous taschez à vous desrober, comme vous dites, faictes estat que vous aurez et moy et la Royne ma mere pour cruels ennemys, et que nous vous ferons ressentir nostre inimitié autant que nous en avons de pou-