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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/130

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[1577]
MÉMOIRES

de ces Espaignols, et ne souhaitions rien tant que de nous delivrer de leur tyrannie ; et ne sçaurions toutesfois comme y proceder, pource que ce païs est divisé à cause des differentes religions. Que si nous estions tous biens unis, nous aurions bientost jetté l’Espagnol dehors ; mais cette division nous rend trop foibles. Que pleust à Dieu qu’il prist envie au roy de France, vostre frere, de r’acquerir ce païs, qui est sien d’ancienneté ! Nous luy tendrions tous les bras. »

Elle ne me disoit cecy à l’improviste, mais premeditement, pour trouver par mon moyen, du costé de la France, quelque remede à leurs maulx. Moy, me voyant le chemin ouvert à ce que je desirois, je luy respondis : « Le roy de France mon frere n’est d’humeur pour entreprendre des guerres estrangeres, mesmes ayant en son royaume le party des huguenots, qui est si fort, que cela l’empeschera tousjours de rien entreprendre dehors ; mais mon frere, monsieur d’Alençon, qui ne doibt rien en valeur, prudence et bonté, aux roys mes pere et freres, entendroit bien à cette entreprise, et n’auroit moins de moiens que le roy de France mon frere de vous y secourir. Il est nourry aux armes, et estimé un des meilleurs cappitaines de nostre temps ; estant mesme à cette heure commandant l’armée du Roy contre les huguenots, avec laquelle il a pris, depuis que je suis partie, sur eux, une tres-forte ville nommée Issoire[1], et quelques aultres. Vous ne sçauriez appeller prince de qui le

  1. Prise le mercredi 12 juin 1577. (Lestoile, Journal de Henri III.)