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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/129

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

qu’elle en receust autant de louanges que la compagnie de plaisir.

Les tables levées, le bal commença en la salle mesme où nous estions, qui estoit grande et belle, où estants assises l’une aupres de l’aultre, je luy dis : qu’encore que le contentement que je recepvois lors en cette compagnie se peust mettre au nombre de ceux qui m’en avoient plus faict ressentir, que je souhaittois presque ne l’avoir point receu, pour le desplaisir que je recepvrois partant d’avec elle, et voyant que la fortune nous tiendroit pour jamais privez du plaisir de nous voir ensemble ; que je tenois pour un des malheurs de ma vie, que le ciel ne nous eust faict naistre elle et moy d’une mesme patrie : ce que je disois pour la faire entrer aux discours qui pouvoient servir au dessein de mon frere. Elle me respondit : « Ce païs a esté aultresfois de France, et à cette cause, l’on y plaide encor en françois, et cette affection naturelle n’est pas encore sortie du cœur de la pluspart de nous. Pour moy, je n’ay plus aultre chose en l’ame, depuis avoir eu cet honneur de vous voir. Ce païs a esté aultresfois tres-affectionné à la maison d’Austriche ; mais cette affection nous a esté arrachée en la mort du comte d’Egmont, de monsieur de Horne[1], de monsieur de Montigny[2], et des aultres seigneurs qui furent lors desfaicts, qui estoient noz proches parens, et appartenans à la pluspart de la noblesse de ce pays. Nous n’avons rien de plus odieux que la domination

  1. Philippe de Montmorency, comte de Hornes, mort en 1566.
  2. Floris de Montmorency, baron de Montigny, mort en 1570.