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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/132

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MÉMOIRES

tuelle guerre, ou reduicts sous la tyrannie espagnolle ; me priant que je trouvasse bon qu’elle descouvrist à son mary tous les propos que nous avions eus, et qu’ilz m’en peussent parler le lendemain tous deux ensemble, ce que je trouvay tres-bon. Nous passasmes cette apres-disnée en tels discours, et en tous aultres que je pensois servir à ce dessein ; à quoy je voiois qu’elle prenoit un fort grand plaisir.

Le bal estant finy, nous allasmes ouyr vespres aux chanoinesses, en leur eglise appelée Sainte-Vaudrud, qui est un ordre de filles de bonne maison, de quoy nous n’avons point en France. Ce sont toutes damoiselles, que l’on y met petites, pour faire profiter leur mariage jusques à ce qu’elles soient en aage de se marier. Elles ne logent pas en dortoirs, mais en maisons séparées, toutesfois toutes dans un enclos, comme les chanoines ; et en chaque maison il y en a trois ou quatre, cinq ou six jeunes avec une vieille, desquelles vieilles il y en a quelque nombre qui ne se marient point, ny aussy l’abbesse. Elles portent seulement l’habit de religion le matin, au service de l’eglise, et l’apres-disnée à vespres ; et soudain que le service est faict, elles quictent l’habit, et s’habillent comme les aultres filles à marier, allants par les festins et par les bals librement comme les aultres : de sorte qu’elles s’habillent quatre fois le jour. Elles se trouverent tous les jours au festin et au bal, et y danserent d’ordinaire.

Il tardoit à la comtesse de Lalain que le soir ne fust venu, pour faire entendre à son mary le bon commencement qu’elle avoit donné à leurs affaires. Ce