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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/134

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[1577]
MÉMOIRES

ces dames flamandes et de moy, et sur tout de la comtesse de Lalain, pour l’amitié tres-grande qu’elle m’avoit vouée ; et me fit promettre qu’à mon retour je passerois par là. Je luy donnay un carquan de pierreries, et à son mary, un cordon et enseigne de pierreries, qui furent estimez de grande valeur, mais beaucoup cheris d’eux, pour partir de la main d’une personne qu’ilz aimoient comme moy. Toutes les dames demeurèrent là, fors madame de Havrech, qui vint à Namur, où j’allois coucher ce jour-là, où son mary et son beau-frere, monsieur le duc d’Arscot[1], estoient : y ayants tousjours demeuré depuis la paix entre le roy d’Espaigne et les estats de Flandre ; car bien qu’ilz feussent du party des estats, estant le duc d’Arscot un vieil courtisan, des plus galands qui fussent de la cour du roy Philippe, du temps qu’il estoit en Flandre et en Angleterre, se plaisoit tousjours à la cour aupres des grands.

Le comte de Lalain, avec toute la noblesse, me conduisit le plus avant qu’il peust, bien deux lieues hors de son gouvernement, et jusques à tant que l’on vit paroistre la trouppe de dom Juan. Lors il print congé de moy, pour ce, comme j’ay dit, qu’ilz ne se voyoient point. Monsieur d’Inchy seulement vinst avec moy, pour estre son maistre, l’evesque de Cambray, du party d’Espaigne. Cette belle et grande troupe s’en estant retournée, ayant faict peu de chemin, je trouvay dom Juan d’Austriche accompagné de force estaffiers, mais

  1. Philippe III, sire de Croy, duc d’Arschot, prince de Chimay, etc., né en 1526, et mort en 1595.