Aller au contenu

Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/137

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[1577]
105
DE MARGUERITE DE VALOIS.

dom Juan luy ayant faict courtoisie de les luy renvoier sans rançon, le bascha, pour revenge, luy fist présent d’un grand nombre d’estoffes de soye, d’or, et d’argent, qui luy arrivant, estant à Milan, où l’on approprie mieux telle chose, il en fist faire les tapisseries que vous voyez ; et pour la souvenance de la glorieuse façon de quoy il les avoit acquises, il fist faire le lict et la tente de la chambre de la Royne en broderie des batailles navalles, representans la glorieuse victoire de la bataille qu’il avoit gaignée sur les Turcs. »

Le matin estant venu, dom Juan nous fist ouyr une messe à la façon d’Espaigne, avec musicque, violons et cornets ; et allans de là au festin de la grande salle, nous disnasmes luy et moy seuls en une table : la table du festin où estoient les dames et seigneurs esloingnée trois pas de la nostre, où madame de Havrech faisoit l’honneur de la maison pour dom Juan ; luy se faisant donner à boire, à genoux, par Ludovic de Gonzague. Les tables levées, le bal commença, qui dura toute l’apres-dinée. Le soir se passe de cette façon, dom Juan parlant tousjours à moy, et me disant souvent qu’il voioit en moy la ressemblance de la Royne sa signora[1], qui estoit la feue Royne ma sœur, qu’il avoit beaucoup honnorée, me tesmoingnant, par tout l’honneur et courtoisie qu’il pouvoit faire à moy et à toute ma trouppe, qu’il recepvoit très-grand plaisir de me voir là[2]. Les

  1. Élisabeth, fille de Henri II, née en 1545, troisième femme de Philippe II, roi d’Espagne, morte le 3 octobre 1568.
  2. Ce n’était pas la première fois que le vainqueur de Lépante