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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/220

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MÉMOIRE JUSTIFICATIF

puisqu’ils perdoient la leur à mon occasion ; et mesmes, les voyant tuer jusques au chevet de mon lict, je demeuray seul d’amis et en desfiance. En ces peines, Thoré[1], lequel estoit picqué de la mort de son cousin[2], et se voyant desespéré, se vint joindre avec moy, me remettant devant les yeux l’indignité que j’avois receue et le peu d’assurance que je pouvois attendre pour moy-mesme, voyant l’honneur et bonne chere que vous, madame, et le Roy vostre fils et le roy de Pologne, faisiez à ceux de Guise : lesquels, non contens de ce qu’ils avoient voulu faire au feu Roy mon pere, et à monsieur le Prince, mon oncle, triomphoient de ma honte. Non toutefois qu’il m’entrast jamais en l’intention de vous estre aultre que tres-fidelle et tres-affectionné serviteur ; ce que j’esperois vous faire paroistre à La Rochelle , où je fus résolu de vous bien et fidellement servir, et de suivre de si prez le Roy de Pologne, qu’il vous pust tesmoigner le fonds de mes intentions.

Or estant si prez de luy, je fus adverti par plusieurs de mes bons amis que l’on vouloit faire une seconde Saint-Barthelemy, et que monsieur le Duc[3] et moy n’y serions non plus espargnez que les aultres. Oultre, le vicomte de Turenne me dist qu’il avoit sçeu pour certain de la cour que monsieur de Villeroy apportoit la depesche pour faire l’execution, et que si ma femme estoit accouchée d’un fils, que le Roy avanceroit ma

  1. Guillaume de Montmorency, seigneur de Thoré, de Dangu, etc.
  2. L’amiral de Coligny.
  3. Le duc d’Alençon.