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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/223

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POUR HENRI DE BOURBON.

une telle deffiance de moi, que cela me fist penser qu’il en estoit quelque chose. En ce mesme temps monsieur de Thoré arriva, lequel ne fust seulement fasché me voir en cette peine ; mais me la continua, me disant que c’estoit chose tres certaine que, demeurant à la cour, je ne debvois attendre que beaucoup de mescontentement, et que ma vie n’y estoit trop asseurée. De là vos majestés allerent à Soissons, où vous continuastes encore plus les meffiances que vous preniez de moy, sans vous en avoir donné une seule occasion : qui m’estoit un extresme ennuy. Là, les capitaines des gardes commencerent à venir tous les jours dans la chambre de monsieur le duc et la mienne, et regarder dessous nos licts, pour voir s’il n’y avoit personne ; et commandastes qu’il ne coucheroit en ma garde robe qu’un seul vallet de chambre pour me servir ; et mesme, me levant le matin pour me trouver à vostre lever, madame, comme j’avois accoustumé, chocquant à vostre porte, vous distes que l’on me respondist que vous estiez chez le Roy. Toutesfois vous parliez a la Chastre et à quelques aultres, de qui il ne me souvient des noms, qui avoient esté les principaux exécuteurs de la Saint-Barthelemy et du tout serviteurs de monsieur de Guise : qui me fist croyre que vous desiriez plus vous servir de ceulx de cette maison que de ceulx qui ont cet honneur de vous estre plus proches et plus fidelles serviteurs. Le lendemain, ne me voulant de rien rebuter de ce que je sçavois venir de vous, je retournay encore pour vous trouver en vostre chambre, de laquelle vous estiez sortie pour aller chez le