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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/225

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POUR HENRI DE BOURBON.

sonnier, et que l’on eust executé sur nous la mauvaise volonté que l’on nous porte. Et voyant les grandes meffiances, que vos majestez avoient de nous, s’accroistre tous les jours, et recepvant beaucoup d’avertissemens tous nouveaux, que l’on nous vouloit meffaire, cela fust cause que monsieur le Duc se resolut, pour s’oster de ce danger et pour l’asseurance de sa vie, de s’en aller ; où je luy promis de l’accompagner, et de là m’en aller en mon païs, tant pour ma seureté que pour donner ordre en Bearn et Navarre, où, pour mon absence, je ne suis nullement obey. Et lorsque nous estions, pour l’asseurance de nos vies, sur le poinct de nous absenter de la presence de vos majestez, il advint que vous en fustes advertis, et vous nous appellastes en vostre cabinet, où nous vous dismes tout ce que nous sçavions. Alors vous nous asseurastes de nos vies, et nous distes que le Roy donneroit si bon ordre, que nous n’aurions cy-apres occasion de nous plaindre.

Depuis, estant au fauxbourg Sainct-Honoré, nous eusmes les mesmes allarmes qu’auparavant, mesmes que l’on disoit qu’on nous vouloit mener au bois de Vincennes prisonniers. Alors le vicomte de Turenne arriva de la part où vos majestez l’avoient envoyé ; lequel nous confirma les mesmes occasions de peur et craincte, et nous representa devant les yeux le danger où nous estions de nos vies ; qui fust cause que monsieur le Duc m’envoya dire par la Vergne et Montegu qu’il estoit résolu, pour ces mesmes raisons, de se retirer. Ce qu’entendant, je me deliberay de partir pour l’accompagner, et de là me retirer en mes pays,