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Page:Marguerite de France - Memoires et Lettres.djvu/67

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DE MARGUERITE DE VALOIS.

dans la chambre du Roy, et qu’il n’auroit point de mal. Me faisant jetter un manteau de nuict sur moy, il m’emmena dans la chambre de ma sœur madame de Lorraine[1], où j’arrivay plus morte que vive, où entrant dans l’antichambre, de laquelle les portes estoient toutes ouvertes, un gentil-homme nommé Bourse, se sauvant des archers qui le poursuivoient, fust percé d’un coup de hallebarde à trois pas de moy. Je tombay de l’aultre costé presque esvanouie entre les bras de monsieur de Nançay, et pensois que ce coup nous eust percez tous deux. Et estant quelque peu remise, j’entray en la petite chambre où couchoit ma sœur. Comme j’estois là, monsieur de Miossans, premier gentil-homme du Roy mon mary[2] et Armagnac, son premier vallet de chambre, m’y vindrent trouver pour me prier de leur sauver la vie. Je m’allay jetter à genoux devant le Roy[3] et la Royne ma mere pour les leur demander ; ce qu’enfin ils m’accorderent.

Cinq ou six jours après, ceux qui avoient commencé cette partie, cognoissans qu’ils avoient failly à leur prin-

  1. Claude de France, femme de Charles, duc de Lorraine.
  2. Henri d’Albret, baron de Miossans, de Coaraze, etc.
  3. Brantôme a sans doute confondu cette démarche avec celle qu’il attribue à la reine de Navarre, en faveur de son époux. Il avance, dans l’éloge de Marguerite, « qu’elle se jeta à genoux devant le roy Charles son frère, pour lui demander la vie de son mary et seigneur ; le roy Charles le lui accorda assez difficilement, encore qu’elle fust sa bonne sœur. » — Marguerite, comme on le voit, n’a fait aucune mention de cette circonstance. Faut-il croire, avec un de ses biographes, que ce fut dans la crainte de choquer la délicatesse de Henri IV, et de paraître lui reprocher ce service ? Quoi qu’on en