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NOTICE DES MANUSCRITS

chant, de trois cents vers environ, l’auteur fait l’éloge de la prison d’Amour où il voudrait bien rester, mais dont il est mis dehors par le Temps. Au commencement du deuxième chant, l’auteur, sorti de la prison d’Amour, ne tarde pas à entrer dans celle de l’Ambition ; il visite les belles églises, les temples somptueux, les palais & la Cour. Il étudie toutes sortes de bons livres pour acquérir les dignités de Cardinal, de Pape, d’Ambassadeur. Mais un vieillard qu’il rencontre lui tient un long discours & le dissuade de se laisser emprisonner par l’Ambition. Ayant demandé au vieillard son nom, celui-ci répond :

Amy, j’ai nom De Science amateur (folio 385).

D’après ce conseil, l’auteur a étudié les ouvrages des hommes de génie, ceux de Dante particulièrement, ce qui lui a rendu sa tranquillité.

Au commencement du troisième chant, il dit qu’il s’est construit une forteresse avec les bons livres que le vieillard a mis entre ses mains & qui renferment la sagesse de l’Antiquité. Au-dessus de tous les autres livres est placée la Sainte Écriture qui, plus forte que la science des païens, renverse tout l’édifice qu’il avait élevé avec ces livres. Suit un éloge, mystique & très long, de la Bible. La pratique des vertus qu’elle enseigne délivre l’âme & le corps de toutes les prisons où les passions le retiennent. L’auteur termine par le récit de plusieurs morts remarquables dont il a été le témoin : 1o celle de Marguerite, Duchesse d’Alençon (folio 325) ; 2o celle de Charles, Duc d’Alençon, premier mari de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier (folio 325) ; 3o celle de Louise de Savoye (folio 329 verso) ; 4o celle de François Ier (folio 333 recto).

Voici en quels termes sont racontés les derniers moments de Charles, duc d’Alençon, & de Louise de Savoye :


Je vous diray ce qu’ay veu par exprès
De son bon filz, lequel mourut après,
Charles dernier, Duc aussi d’Alençon,
Dont je pourroys faire longue leçon
Si tous les faicts par escript vouloys mettre
Et son trespas dire sans rien obmettre ;
Car tant y a de choses qui m’incitent
A les escripre & qui tant le merittent
Que j’en lerray le plus, prenant le meins,
Car ennuyer par la longueur je crains.

Venons au jour de sa mort. Je vous dy
Que le matin du grand & sainct mardy,
Cinq jours après qu’il print ung plurèsis,