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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/167

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DE L’HEPTAMÉRON

sième chant, plus long que les deux autres réunis, devient historique vers la fin & renferme des détails assez curieux.

Sur le dernier feuillet on lit cette épitaphe, datée de l’an 1549 ; elle ne se trouve pas dans le recueil intitulé Tombeau de Marguerite de Valois, Royne de Navarre :

Cy gist un corps par lequel Dieu faisoit
Ses haulx secrets aux siens voir & comprendre,
Cy gist ung corps lequel si bien disoit
Que les mondains ne le povoient entendre ;
Voicy le corps auquel Dieu fist descendre
Ung vif esprit, une ame à luy ravie,
Qui nous faisoit le Verbe saint entendre
Autant ou mieulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

De ce sainct corps, qui n’est rien sinon terre,
L’esprit jadis desiroit ces haulx cieulx
Par quoy, après avoir fait forte guerre,
Le corps est mort deux foys en ces bas lieux ;
Mort est de mort humaine pour son myeulx,
Puys en Adam, pour en Christ avoir vie,
Car il sçavoit le Verbe précieux
Autant ou myeulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

Aussi pour vray, lors que l’esprit partit
Hors de ce corps qui fut tant charitable,
Le Ciel sacré en deux se départit,
Par quoy l’on veid une chose admirable,
Car Dieu, ainsy que ung feu espoventable,
Dessus le dos[1] eut de descendre envie
Pour celle avoir, qui luy fut agréable
Autant ou mieulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

Quiconques sois donques qui trouveras
En ce tumbeau ceste lettre petite,
A ung chascun ainsy dire pourras :
« Voicy les oz de saincte Marguerite ;
Voicy les os de celle qui habite
Avecques Dieu ; c’est la Royne accomplye,
Qui aux humains a sa parole ditte
Autant ou mieulx que Hénoc, Jehan ou Hélye.

Voici une analyse rapide du poème des Prisons. Dans le premier

  1. Singulière leçon ; ne faudrait-il pas lire « Dessus Odos », le château où est morte Marguerite ? — M.