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DE L’HEPTAMÉRON

vie à apprendre les langues étrangéres & ce pendant contenne leur naturelle, à tout le moins en sont si négligens que bien souvent un étranger médiocrement versé en notre langue mètra le doigt sur les fautes q’ilz auront faites à l’écriture. Voyla qui m’a détourné de la commune pour marcher souz la faveur de vérité & du tems, qui par sa révolutïon découvre à un aage ce qui a été caché à l’autre.

« Au surplus, pour faire conformer ces Nouvelles de la Royne de Navarre, sœur unique du Roy Françoys premier à celles de Jan Boccace, j’ai mis à chacune son sommaire ou argument, tirant le premier du proëme, le second de la fin du discours de la première Nouvelle, & ainsi subséquemment des autres, sans toutesfois rien omettre de ce qui y étoit, mais plus tôt ajoutant au commencement & à la conclusion des Nouvelles, pour leur donner telle grace que, si elles se lisent tumultüérement, le commencement ne semble ajouté ny la fin tronquée, sy tout d’une tire, on les trouve si cousües & lyées ensemble que la fin de la précédente donne demye intelligence à la subséquente.

« Et pour ce qu’en les transcrivant sur exemplaires fort incorrectz j’ay trouvé plusieurs omissions, inversions de sens, interpositions de motz pour autres & diversitez de lectures, j’ai rabillé le tout au moins mal qu’il m’a été possible. Dont vous vous pourrez avisé, quand en lisant vous trouverez certaines petites marques qu’expressément j’ay apposées où elles faisoyent besoin, pour vous relever de penne. Comme un petit croiscent, ou demy cercle, sur la teste renversée d’un y grec, qui donnera à entendre qu’il y a omission de motz ou de sens ; l’obelisque couché, inversion de sens ; les notes de chiffre 1, 2, 3, 4, &c., interposition & dislocation de motz ; quatre petitz pointz en figure d’étoile, diversité de lectures, desquelles j’ay retenu celle qui m’a semblé la meilleure & mis les autres à la table, où pourrez avoir recours pour y assoir votre jugement & choisir en telle diversité ce qui vous viendra mieux à goût.

« À Paris, ce viiie août 1553.

« Adrian de Thou. »


Cette préface est suivie d’une table, écrite sur deux colonnes, de toutes les variantes recueillies dans les manuscrits que de Thou avait pu se procurer ; nous avons reproduit plusieurs de ces variantes. Vient ensuite la table de toutes les Nouvelles comprises dans l’Heptaméron ; nous avons placé en tête de chaque Nouvelle ces petites analyses, qui en résument parfaitement le sujet.

Le rédacteur de ce curieux & beau manuscrit, Adrian de Thou, seigneur d’Hierville, Chanoine de Notre-Dame de Paris, était le quatrième fils d’Augustin de Thou, Seigneur de Bonnœil, président à mortier au Parlement de Paris, frère de Christophe de Thou, Premier Président, & l’oncle de Jacques-Auguste l’historien. Il était Conseiller clerc au Parlement de Paris, quand il obtint du Roi une des treize charges de Maître des requêtes créées par l’édit du mois d’octobre 1567. Il fut reçu le 21 novembre suivant ; il