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L’ÉDITION DE BERNE

« Si ces vers-là, disent-ils l’un à l’autre,
N’ont fait sa gloire, ils ont bien fait la nôtre.
Grâces à lui, s’ils n’ont pas été lus,
Grâces à nous, ils ont été vendus. »

Ginguené, dans la Satire des Satires, parle de même :

Sur les bords du Léthé l’Arétin, d’Argenteuil,
Réchauffant le venin de ses rimes perverses,
Décore vainement du burin de Longueuil
Le fatras triste & froid de ses œuvres diverses,
Qui ne firent qu’un pas de la presse au cercueil.

Avant eux, Grimm, dans sa Correspondance, avait, dès son apparition, en 1770, raillé le luxe du volume des Baisers, qu’il trouvait trop cher à un louis, & l’abbé Galiani avait eu — il était coutumier du fait — un très joli mot quand il avait dit que le poète se sauvait du naufrage de planche en planche. C’était tout aussi méchant, mais tous s’accordent sur le mérite des images.

Plus tard, ces illustrations, pourtant si françaises & parfois si charmantes, subirent les rigueurs de la mode & tombèrent dans un discrédit bien injuste. L’on y est revenu maintenant avec une ardeur de réaction qui exagère un peu dans l’autre sens, & l’on s’en occupe de toutes façons. Il n’est pas de cabinet, même de bibliothèque, qui ne s’en fasse honneur, pas de vente où leur prix ne continue de monter, & il y a sur la matière toute une littérature. MM. de Goncourt, M. le baron Portalis, M. Baucher, se sont occupés en détail de tous ces petits maîtres & de leurs graveurs ; MM. Henry Cohen & Charles Mehl, dans leur Guide de l’amateur de livres à figures & à vignettes du XVIIIe siècle, dont la troisième édition a paru en 1876, & qui est en passe de ne pas s’arrêter en si bon chemin, en ont dressé la bi-