Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/234

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
L’ÉDITION DE BERNE

turel, rien de plus calme que cette petite composition. Mais comme le grand-père est bien le portrait d’un véritable paysan ! comme les jeunes chanteuses sont commodément assises, la main dans la main, dans leurs beaux atours du dimanche ! comme le jeune père balance doucement son fils bien-aimé ! comme la petite fille voudrait bien aider au mouvement imprimé à la balançoire, dont elle n’ose cependant s’approcher, tandis qu’une sœur plus âgée qu’elle, assise sur l’herbe, lui montre soit un caillou, soit une fleur qu’elle vient d’y découvrir ! En vérité, c’est là l’image de la fête du dimanche & du repos de la campagne. Il surpasse en beauté, en intérêt même, les tableaux ordinaires des danses de village, des jeux bruyants, des scènes d’ivrognerie, au milieu desquels les peintres représentent d’ordinaire les habitants des campagnes sous leurs plus mauvais côtés. Tous les paysages de Freudenberg ont le même caractère de naïveté, & montrent ainsi que l’on peut embellir les objets les plus communs sans leur ôter de la vérité qu’ils ont naturellement. Les compositions du même artiste se recommandent par la correction & l’élégance du dessin, par le groupement heureux des personnages au milieu du désordre charmant de tout ce qui les entoure, par une économie bien entendue des détails, où rien cependant n’est négligé ou oublié. Ajoutez à cela le caractère idyllique de l’ensemble. Ce sont là les principaux mérites des gravures dont nous parlons. À celui qui serait tenté de leur reprocher de ne pas offrir ces effets de lumière si heureusement reproduits dans les tableaux hollandais, on fera observer qu’ils seraient bien difficiles, si ce n’est impossible, dans ce genre de dessin, surtout quand il faut remettre à des mains étrangères une partie du travail d’exécution.

La mort d’Aberli, qui arriva le 17 octobre 1786, cet artiste n’ayant encore que soixante-six ans, fut un coup sensible pour Freudenberg, qui vivait avec lui dans la plus grande intimité. Néanmoins l’ami si cruellement éprouvé trouva un soulagement réel dans l’affection croissante de