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VIE DE FREUDENBERG

M. Rieter, compatriote & ami du défunt, dont il a écrit la vie, comme lui habile paysagiste, & qui forma avec Freudenberg une amitié plus étroite après la mort d’Aberli.

Quelques années auparavant, les trois artistes que nous venons de nommer avaient fondé une petite académie, où ils se réunissaient, pendant les soirées d’hiver, pour peindre à la lueur d’une lampe d’après le modèle vivant, revêtu des costumes propres à la Suisse. Tous les artistes qui vivaient alors à Berne, & même quelques simples amateurs, s’étaient réunis à ce modeste institut, dont l’utilité ne tarda pas à se faire reconnaître dans les œuvres de tous les associés.

Freudenberg, de son côté, avait formé une société du soir fréquentée sans doute par les mêmes personnes, & chacun y exposait ses derniers tableaux avec l’intention de profiter des observations & des conseils de ceux sous les yeux desquels il les avait placés. Les connaissances variées, l’esprit, l’humeur pleine de gaieté & d’entrain de Freudenberg, communiquaient la vie à ces petites réunions du soir. Le plus souvent des dessins originaux, des gravures choisies, passaient successivement dans les mains des artistes & des amateurs réunis, & rien de plus piquant, de plus heureux, que les jugements portés par Freudenberg à propos des œuvres d’art soumises à l’appréciation des membres de la réunion. Ces jugements consistaient quelquefois en un seul mot, mais il était juste & significatif ; quelquefois en un commentaire amusant des observations sentencieuses des aristarques en matière de goût. Freudenberg montrait alors sa prédilection pour les peintres de la Hollande, & en même temps sa répulsion pour les peintres italiens, français, flamands, qu’il s’amusait à nommer les peintres de qualité, répulsion qui tenait d’un côté au bon sens intime de cet artiste, & de l’autre à des principes mal entendus par lui de l’imitation de la nature dans les arts.

Sa conduite dans le monde offrait plus d’un point de ressemblance avec celle qu’il menait au milieu de ceux qui comme lui cultivaient la peinture. Ce que l’on nomme la