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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/358

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Ire JOURNÉE

dès ce temps, l’Amour gentil qui, sans autre occasion que par sa force mesme, estoit entré dans le cueur d’Amadour, luy promist de luy donner toute faveur & moyen pour y atteindre. Et, pour parvenir à la plus grande disficulté, qui estoit la loingtaineté du païs où il demouroit & le peu d’occasion qu’il avoit de reveoir Floride, se pensa de se marier, contre la delibération qu’il avoit faicte avecq les Dames de Barselonne & de Parpignan, où il avoit tel crédit que peu ou riens luy estoit refusé, & avoit tellement hanté ceste frontière, à cause des guerres, qu’il sembloit mieulx Cathelan que Castillan, combien qu’il fust natif d’auprès de Tollette, d’une Maison riche & honnorable, mais, à cause qu’il estoit puisné, n’avoit rien de son patrimoine. Si est ce qu’Amour & Fortune, le voyans délaissé de ses parens, délibérèrent d’en faire leur chef d’euvre & lui donnèrent par le moyen de la vertu ce que les loix du païs luy refusoient. Il estoit fort adonné en l’estat de la guerre, & tant aymé de tous Seigneurs & Princes qu’il refusoit plus souvent leurs biens qu’il n’avoit soulcy de leur en demander.

La Comtesse dont je vous parle arriva aussi en Sarragosse, & fut très bien reçeue du Roy & de toute sa Court. Le Gouverneur de Cathaloigne la venoit souvent visiter, & Amadour n’avoit garde de faillir à l’acompaigner, pour avoir seulement