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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/401

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Xe NOUVELLE

gne & avoit nom Lorette. Amadour la creut, pensant par ce moyen retourner encores en sa bonne grace, feit l’amour à Lorette, qui estoit femme d’un Cappitaine, lequel estoit des grands Gouverneurs du Roy d’Espaigne. Lorette, bien aise d’avoir gaingné un tel serviteur, en feit tant de mines que le bruict en courut partout, & mesme la Contesse d’Arande, estant à la Cour, s’en apperçeut, par quoy depuis ne tormentoit tant Floride qu’elle avoit accoustumé.

Floride ouyt ung jour dire que le Cappitaine, mary de Lorette, estoit entré en une si grande jalousie qu’il avoit délibéré en quelque sorte que ce fust de tuer Amadour & elle, qui, nonobstant son dissimulé visaige, ne pouvoit vouloir mal à Amadour, l’en avertit incontinent. Mais luy, qui facilement fut retourné à ses premières brisées, luy respondit, s’il luy plaisoit l’entretenir trois heures tous les jours, que jamais il ne parleroit à Lorette, ce qu’elle ne voulut accorder.

« Donques, » ce luy dist Amadour, « puisque ne me voulez faire vivre, pourquoy me voulez vous garder de mourir, sinon que vous espérez me tormenter plus en vivant que nulle mort ne sçauroit faire ? Mais, combien que la mort me fuye, si la chercheray je tant que je la trouveray ; car en ce jour là seulement j’auray repos. »

Durant qu’ils estoient en ces termes, vint nou-