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Page:Marguerite de Navarre - L’Heptaméron, éd. Lincy & Montaiglon, tome I.djvu/80

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ORAISON FUNÈBRE

comme maladie naturelle, lors elle vouloit que telles déplorées personnes fussent, ainsi qu’un membre infect, pourry & corrompu, couppées & séparées de la compaignie des aultres. Encor ne le faisoit elle sans grande testification de douleur, &, si tu l’eusses veue quand un criminel estoit condamné à mort, il t’eust esté advis que tu eusses veu un aultre Bias, lequel, un jour qu’il devoit prononcer sentence capitalle contre un malfaicteur, se mist à pleurer &, interrogé pour quoy il pleuroit veu qu’il estoit en luy ou de l’absouldre ou de le condemner : « Pour ce » respondit il, « que nécessité me commande d’obéir à la Loy, mais aussi elle me contraint de prendre pictié de nature ». Marguerite, pour ne tumber en une si triste nécessité & pour prévenir la malice des hommes & avec cela coupper toutes occasions qui induisent & incitent à mal, avoit baillé à tous ses domestiques une certaine discipline de lois & manières de vivre, laquelle quiconques méprisoit & l’oultrepasseoit &, par une fois ou deus admonesté & adverty, ne se corrigeoit, il estoit effacé de son Estat & mis hors de sa Maison. Car elle n’y souffroit gents mal conditionnés, comme oisifs, détracteurs, ivroignes, subgets à leurs bouche, joueurs, paillards, blasphémateurs, séditieus, & telle manière de personnes esclaves des vices, ains vouloit que tous ceuls qui estoient & se disoient siens fassent, de vie & de parolle, véritable profession du Christianisme. Et, quant à elle, si bien les exciteoit par son exemple à bonne & vertueuse vie & amour de nostre Religion que la reigle & façon de vivre qu’elle gardeoit les contenoit en leur devoir, encores qu’ils heussent le cœur depravé.

Et mesmement, congnoissant très bien Xénophon avoir véritablement escrit que Continence est le fondement de