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XIXe NOUVELLE

que, si le Marquis de Mantoue, pour récompense de sa prison & des bons services qu’il luy avait faicts, ne luy donnoit s’amie, il s’en iroit rendre Cordelier & ne serviroit jamais maistre que Dieu, ce que son compaignon ne pouvoit croire, ne voyant en luy ung seul signe de la religion que la dévotion qu’il avoit en Pauline.

Au bout de neuf moys fut delivré le Gentil homme François, & par sa bonne diligence feit tant qu’il meist son compaignon en liberté, & pourchassa le plus qu’il luy fut possible, envers le Marquis & la Marquise, le mariaige de Pauline. Mais il n’y put advenir ny rien gaigner, luy mettant devant les oeilz la pauvreté où il leur faudroit tous deux vivre & aussi que de tous costez les parens n’en estoient d’opinion, & luy defendirent qu’il n’eust plus à parler à elle, à fin que ceste fantaisie s’en peust aller par l’absence & impossibilité.

Et, quand il veid qu’il estoit contrainct d’obéir, demanda congié à la Marquise de dire adieu à Pauline, & puis que jamais il ne parleroit à elle, ce qui luy fut accordé, & à l’heure il commença à luy dire :

« Puis qu’ainsi est, Pauline, que le Ciel & la Terre sont contre nous, non seulement pour nous empescher de nous marier ensemble, mais, qui plus est, pour nous oster la veue & la parole, dont nostre maistre & maistresse nous ont faict si rigoureux commandement qu’ils se peuvent bien vanter