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IIJe JOURNÉE

voit prins, ce qui fut faict, & trouva l’on ce que l’on cherchoit ; c’estoient les pièces de la lettre. On envoya quérir le Confesseur du Roy, lequel, après les avoir assemblées sur une table, leut la lettre tout du long, où la vérité du mariage tant dissimulé se trouva clairement, car le bastard ne l’appeloit que sa femme. La Royne, qui n’avoit délibéré de couvrir la faulte de son prochain, comme elle devoit, en feyt un très grand bruict & commanda que par tous les moyens on feist confesser au pauvre homme la verité de ceste lettre, & que en la luy monstrant il ne la pourroit regnier ; mais, quelque chose qu’on luy dist ou qu’on luy monstrast, il ne changea son premier propos. Ceulx qui en avoient la garde le menèrent au bord de la rivière & le meirent dedans un sac, disant qu’il mentoit à Dieu & à la Royne contre la vérité prouvée. Luy, qui aimoit mieulx perdre sa vie que d’accuser son Maistre, leur demanda ung Confesseur &, après avoir faict de sa conscience le mieulx qu’il luy estoit possible, il leur dist :

« Messieurs, dictes à Monseigneur le bastard, mon Maistre, que je luy recommande la vie de ma femme & de mes enfans, car de bon cueur je mects la mienne pour son service, & faictes de moy ce qu’il vous plaira, car vous n’en tirerez jamais parole qui soit contre mon Maistre. »

À l’heure, pour luy faire plus grand paour, le